vendredi 19 septembre 2014

Anthologie de Nouvelles et Romans de Franz Kafka




Franz Kafka , né le 3 juillet 1884 à Prague et mort le 3 juin 1924 à Kierling

LA METAMORPHOSE.
DANS LA COLONIE PÉNITENTIAIRE.
LETTRE AU PÈRE.
LE CHÂTEAU.
LE PROCÈS.









La métamorphose, fin livre de poche, figurait dans ma bibliothèque d'adolescent. C'était une lecture volontaire, c'est à dire hors obligation scolaire. J'en gardais, à plus de 60 ans, un souvenir assez précis, son côté science fiction je présume. 

Il n'est jamais trop tard pour combler les lacunes d'une vie de lecteur assidu mais dispersé. Pour 2,68 €  la lecture de l'intégrale de Kafka mérite d'être tentée. S'attaquer à une œuvre complète est présomptueux, le risque est la lassitude ou la dispersion. Enfin celle de Kafka n'est quand même pas démesurée. Le tout est de commencer, on verra bien jusqu’où on ira.

Kafka a fait des études de droit et obtenu un doctorat. Il n'a, jusqu'à sa retraite prématurée, jamais abandonné son activité professionnelle dans des compagnies d'assurance et ne s'est donc jamais consacré exclusivement à l'écriture. Il vivait à Prague, mais sa langue maternelle et sa langue d'écriture étaient l'allemand. Il ne pouvait pas se passer d'écrire, mais son travail d'écrivain prenait sa place le soir jusque tard la nuit, dans une vie quotidienne bien réglée.

Une œuvre sauvée de la destruction.

C'est en fréquentant des cercles littéraires pendant ses études que Kafka a rencontré l'écrivain et essayisteMax Brod (né à Prague le 27 mai 1884, mort à Tel AvivIsraël, le20 décembre 1968 ) . Ils se lient d'amitié.Brod tentera, quasi en vain, de faire éditer les manuscrits de Kafka. Il ne parviendra à ses fins qu'après la mort de ce dernier qui en avait fait son exécuteur testamentaire, mais avec l'ordre de détruire, en les brûlant, tous les manuscrits y compris les lettres. Brod passa donc outre les dernières volontés de Kafka et, à partir de 1920, jusqu'à la guerre, publia les œuvres que Kafka n'avait pas lui même détruites avant sa mort. Les nazis se chargèrent, au début de la guerre de détruire les manuscrits de cette œuvre considérée comme décadente. A la question faut-il lire Kafka le régime nazi a clairement répondu non.

Les lettres à Milena, la lettre au père.

Du point de vue affectif on retiendra deux projets de mariage avortés et une relation passionnée, alors qu'il était déjà malade, atteint de la tuberculose qui l'emporterait à l'age de quarante quatre ans avec Milena Jesenskà sa traductrice tchèque. Je me suis procuré pour trois fois rien sur internet, dans une vieille édition qui sent le moisi, les lettres à Milena, traduites par Alexandre Vialatte. ( Les œuvres libres, mai 1956, librairie Arthème Fayard) Je ne résiste pas à une citation « Je m'aperçois soudain que je ne puis me rappeler en réalité aucun détail particulier de votre visage. Seulement votre silhouette, vos vêtements, au moment où vous êtes partie entre les tables du café : cela, oui, je me souviens… ». Contrairement à ses romans et nouvelles cette correspondance, et c'est bien normal, est insipide, honnêtement je ne lui ai pas trouvé grand intérêt. Plutôt que passionné, Kafka apparaît indécis et pleurnichard. Milena, en plus d'être belle, devait être autrement passionnée. A ses avances pour le rencontrer Kafka oppose des refus gênés. Il préfère rester dans le virtuel épistolaire. Cette correspondance va s'étioler puis cesser deux ans avant la mort de Kafka. Elle ne reflète pas le Kafka écrivain. Milena mourra, déportée à Ravensbrück, le 17 mai 1944.

La longue lettre au père, ou Kafka règle sévèrement et implacablement son compte à son éducation et à son père est une véritable mise en coupe réglée plus freudienne que Kafkaïenne. Elle est quand même l’œuvre du Kafka écrivain, alors que les lettres à Miléna sont celles de l'homme, malade et affectivement inachevé. Elle est cependant exempte de situations kafkaïennes.

Une œuvre indémodable et intemporelle.
Concernant Kafka la question "peut-on encore le lire ?"  est presque grotesque. Il n'est rattachable à aucun courant littéraire et l'ensemble des ses écrits romanesques et de ses nouvelles est traversé par une vision unique du monde. Le monde vu par Kafka est entre les mains d'une bureaucratie ou chacun occupe avec conviction une place incertaine. Des hiérarchies illisibles, des ordres incompréhensibles, des questions sans réponses, des réponses sans questions, des silences, des attentes créent des situations absurdes. Elles le sont pour le lecteur mais pas pour les acteurs qui semblent parfaitement s'en accommoder.

La lecture de kafka est hypnotique et angoissante. L'histoire avance de situations absurdes en situations encore plus absurdes, provoquant des retournements, en général sans conséquences graves. Il y a peu de violences physiques et encore moins de mort violentes. Même dans la colonie pénitentiaire la violence est tellement outrancière qu'elle en devient abstraite et sans effet de répulsion sur le lecteur. Juste l'angoisse.

La mécanique du récit, bien que basée sur des actions saugrenues est tellement implacable que le lecteur, fasciné, est incapable de quitter le récit, comme dans les meilleurs thrillers. J'ai avalé tout Kafka, en tout cas l'anthologie, achetée en version numérique d'une seule traite.

Le cerveau de Kafka n'a pas le fonctionnement commun. Lorsqu'il écrit et quoi qu'il écrive, le cerveau de Kafka produit naturellement des situations kafkaïennes. Il ne saurait pas faire autre chose.

Je vais faire un rapprochement osé et peut être pas forcément pertinent, mais il y a un autre auteur dont le cerveau ne fonctionne pas sur le mode commun, c'est Jorn Riel, l'écrivain Danois célèbre pour ses racontars Groënlandais. J'ai eu l'occasion de l'entendre lors d'une conférence. Son discours, son humour sa manière de répondre aux questions sont à la fois déroutants et complètement cohérents. En l'entendant je me demandais : mais d’où il sort ça ? Il produit naturellement du Jorn Riel. Voilà il fallait oser, je l'ai fait.

Pour conclure.

Il n'est donc pas étonnant que, s'agissant d'une vision totalement cohérente, issue d'un esprit qui la produit spontanément, l’œuvre de Kafka soit indémodable et intemporelle.
Indémodable, parce qu'il n'use ni des matériaux littéraires, ni de références propres à son temps. Kafka fait naturellement du kafka. 

Intemporelle, parce que cet univers n'est pas daté. Vous pouvez introduire un smartphone dans une scène de Kafka, elle restera du Kafka.

Lisez relisez Franz Kafka.



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