Franz
Kafka ,
né le 3 juillet 1884 à Prague et
mort le 3 juin 1924 à
Kierling
LA
METAMORPHOSE.
DANS LA COLONIE PÉNITENTIAIRE.
LETTRE AU PÈRE.
LE CHÂTEAU.
LE PROCÈS.
DANS LA COLONIE PÉNITENTIAIRE.
LETTRE AU PÈRE.
LE CHÂTEAU.
LE PROCÈS.
La
métamorphose, fin livre de poche, figurait dans ma bibliothèque
d'adolescent. C'était une lecture volontaire, c'est à dire hors
obligation scolaire. J'en gardais, à plus de 60 ans, un souvenir
assez précis, son côté science fiction je présume.
Il
n'est jamais trop tard pour combler les lacunes d'une vie de lecteur
assidu mais dispersé. Pour 2,68 € la lecture de l'intégrale
de Kafka mérite d'être tentée. S'attaquer à une œuvre complète
est présomptueux, le risque est la lassitude ou la dispersion. Enfin
celle de Kafka n'est quand même pas démesurée. Le tout est de
commencer, on verra bien jusqu’où on ira.
Kafka
a fait des études de droit et obtenu un doctorat. Il n'a, jusqu'à
sa retraite prématurée, jamais abandonné son activité
professionnelle dans des compagnies d'assurance et ne s'est donc
jamais consacré exclusivement à l'écriture. Il vivait à Prague,
mais sa langue maternelle et sa langue d'écriture étaient
l'allemand. Il ne pouvait pas se passer d'écrire, mais son travail
d'écrivain prenait sa place le soir jusque tard la nuit, dans une
vie quotidienne bien réglée.
Une
œuvre sauvée de la destruction.
C'est
en fréquentant des cercles littéraires pendant
ses études que Kafka a rencontré l'écrivain et essayisteMax
Brod (né
à Prague le 27 mai 1884,
mort à Tel
Aviv, Israël,
le20 décembre 1968 ) . Ils
se lient d'amitié.Brod tentera, quasi en vain, de faire éditer
les manuscrits de Kafka. Il ne parviendra à ses fins qu'après la
mort de ce dernier qui en avait fait son exécuteur testamentaire,
mais avec l'ordre de détruire, en les brûlant, tous les
manuscrits y compris les lettres. Brod passa donc outre les
dernières volontés de Kafka et, à partir de 1920, jusqu'à la
guerre, publia les
œuvres que Kafka n'avait pas lui même détruites avant sa mort. Les
nazis se chargèrent, au début de la guerre de détruire les
manuscrits de cette œuvre considérée comme décadente. A la
question faut-il lire Kafka le régime nazi a clairement répondu
non.
Les
lettres à Milena, la lettre au père.
Du
point de vue affectif on retiendra deux projets de mariage avortés
et une relation passionnée, alors qu'il était déjà malade,
atteint de la tuberculose qui l'emporterait à l'age de quarante
quatre ans avec Milena Jesenskà sa traductrice tchèque. Je me suis
procuré pour trois fois rien sur internet, dans une vieille édition
qui sent le moisi, les lettres à Milena, traduites par Alexandre
Vialatte. ( Les œuvres libres, mai 1956, librairie Arthème Fayard)
Je ne résiste pas à une citation « Je
m'aperçois soudain que je ne puis me rappeler en réalité aucun
détail particulier de votre visage. Seulement votre silhouette, vos
vêtements, au moment où vous êtes partie entre les tables du
café : cela, oui, je me souviens… ».
Contrairement à ses romans et nouvelles cette correspondance, et
c'est bien normal, est insipide, honnêtement je ne lui ai pas trouvé
grand intérêt. Plutôt que passionné, Kafka apparaît indécis et
pleurnichard. Milena, en plus d'être belle, devait être autrement
passionnée. A ses avances pour le rencontrer Kafka oppose des refus
gênés. Il préfère rester dans le virtuel épistolaire. Cette
correspondance va s'étioler puis cesser deux ans avant la mort de
Kafka. Elle ne reflète pas le Kafka écrivain. Milena mourra,
déportée à Ravensbrück, le 17 mai 1944.
La longue lettre au père, ou Kafka règle sévèrement et implacablement son compte à son éducation et à son père est une véritable mise en coupe réglée plus freudienne que Kafkaïenne. Elle est quand même l’œuvre du Kafka écrivain, alors que les lettres à Miléna sont celles de l'homme, malade et affectivement inachevé. Elle est cependant exempte de situations kafkaïennes.
La longue lettre au père, ou Kafka règle sévèrement et implacablement son compte à son éducation et à son père est une véritable mise en coupe réglée plus freudienne que Kafkaïenne. Elle est quand même l’œuvre du Kafka écrivain, alors que les lettres à Miléna sont celles de l'homme, malade et affectivement inachevé. Elle est cependant exempte de situations kafkaïennes.
Une
œuvre indémodable et intemporelle.
Concernant
Kafka la question "peut-on encore le lire ?" est
presque grotesque. Il n'est rattachable à aucun courant littéraire
et l'ensemble des ses écrits romanesques et de ses nouvelles est
traversé par une vision unique du monde. Le monde vu par Kafka est
entre les mains d'une bureaucratie ou chacun occupe avec conviction
une place incertaine. Des hiérarchies illisibles, des ordres
incompréhensibles, des questions sans réponses, des réponses sans
questions, des silences, des attentes créent des situations
absurdes. Elles le sont pour le lecteur mais pas pour les acteurs qui
semblent parfaitement s'en accommoder.
La
lecture de kafka est hypnotique et angoissante. L'histoire avance de
situations absurdes en situations encore plus absurdes, provoquant
des retournements, en général sans conséquences graves. Il y a peu
de violences physiques et encore moins de mort violentes. Même dans
la colonie pénitentiaire la violence est tellement outrancière
qu'elle en devient abstraite et sans effet de répulsion sur le
lecteur. Juste l'angoisse.
La
mécanique du récit, bien que basée sur des actions saugrenues est
tellement implacable que le lecteur, fasciné, est incapable de
quitter le récit, comme dans les meilleurs thrillers. J'ai avalé
tout Kafka, en tout cas l'anthologie, achetée en version numérique
d'une seule traite.
Le
cerveau de Kafka n'a pas le fonctionnement commun. Lorsqu'il écrit
et quoi qu'il écrive, le cerveau de Kafka produit naturellement des
situations kafkaïennes. Il ne saurait pas faire autre chose.
Je
vais faire un rapprochement osé et peut être pas forcément
pertinent, mais il y a un autre auteur dont le cerveau ne fonctionne
pas sur le mode commun, c'est Jorn Riel, l'écrivain Danois célèbre
pour ses racontars Groënlandais. J'ai eu l'occasion de l'entendre
lors d'une conférence. Son discours, son humour sa manière de
répondre aux questions sont à la fois déroutants et complètement
cohérents. En l'entendant je me demandais : mais d’où il
sort ça ? Il produit naturellement du Jorn Riel. Voilà il
fallait oser, je l'ai fait.
Pour
conclure.
Il
n'est donc pas étonnant que, s'agissant d'une vision totalement
cohérente, issue d'un esprit qui la produit spontanément, l’œuvre
de Kafka soit indémodable et intemporelle.
Indémodable,
parce qu'il n'use ni des matériaux littéraires, ni de références
propres à son temps. Kafka fait naturellement du kafka.
Intemporelle,
parce que cet univers n'est pas daté. Vous pouvez introduire un
smartphone dans une scène de Kafka, elle restera du Kafka.
Lisez
relisez Franz Kafka.