Voltaire né le 21 novembre 1694 à Paris, ville ou il est mort en 1778 à 83 ans
Voltaire
Traité de la
tolérance à l'occasion de la mort de Jean Calas
Publié en 1763
Toutes les citations
sont extraites de cet ouvrage.
« Peut-être
un tableau raccourci et fidèle de tant de calamités ouvrira les
yeux de quelques personnes peu instruites, et touchera des cœurs
bien faits »
« Des
lecteurs attentifs qui se communiquent leurs pensées vont toujours
plus loin que l'auteur »
« Les
hommes ont eu longtemps leur enfer dans cette vie »
Voltaire
fait un retour en force dans l'actualité. Son traité de la
tolérance, déjà édité à 120 000 exemplaire en 2003 dans la
collection folio à 2€, fait l'objet d'une réimpression par
Gallimard de
10
000 exemplaires.
Après
l'émotion et la mobilisation voilà l'heure de la réflexion. Trois
terroristes en mission vengeance ont semé dix sept cadavres derrière
eux. Des dessinateurs et des salariés du journal satirique Charlie
Hebdo, l'agent de service d'une entreprise, une jeune policière qui
s'est malencontreusement trouvée à portée de kalachnikov, mais
aussi les clients, qui se trouvaient là, d'une épicerie Casher, des
juifs quoi. Les trois assassins ont déclaré agir au nom
d'organisations islamiques, implantées au Moyen Orient, qui les ont
endoctrinés et instrumentalisés pour tuer et se faire tuer.
Ils
ont tué au nom d'Allah, et bien que fort peu de musulmans se
reconnaissent dans ces illuminés ils ont jeté le trouble dans notre
société plurielle, plutôt naturellement accueillante et
fraternelle mais traversée par le doute et travaillée au corps par
des idéologues porteurs d'idées racistes, xénophobes,
identitaires, islamophobe.
Les
grands rassemblements du 17 janvier, ont vu, l'espace d'une journée,
des citoyens de tous ages, toutes sensibilité politiques, et
croyances ou incroyances religieuses, défiler cote à cote pour
défendre la liberté d'expression, la liberté de penser, le droit
d'être différent, et dire à tous les musulmans de France que nous
ne faisions pas d'amalgame entre eux et les illuminés islamistes
radicaux.
Le
monde entier non seulement s'y est associé, mais encore il a reconnu
dans ce mouvement la vraie France. Et c'est vrai ce qui s'est passé
ne pouvait se passer qu'en France parce que la France, sa culture et
ses valeurs se sont constituées sur l'héritage de Voltaire et de
toute la tradition des lumières. La France n'a pas brusquement
retrouvé ses valeurs elle s'est retrouvé dans des valeurs qui ne
l'ont jamais quittée.
La
France a, dans ses grands moments, l'habitude de convoquer ses grands
hommes : Montaigne, Pascal, Descartes, Voltaire, Hugo, Zola…
bien sur j'en oublie.
D'instinct
chacun a compris que le fond du problème était la tolérance, il
n'est pas étonnant que Voltaire soit appelé à la rescousse.
Voltaire
aborde le sujet en relatant un fait divers qui met en scène une
famille les Calas et d'une ville, Toulouse. La tolérance se joue au
sein d'une famille protestante qui accepte (tolère) la conversion au
catholicisme d'un de ses fils. Ce jeune homme, qui « passait
pour un esprit inquiet, sombre et violent » mit fin à ses
jours.
Toulouse,
selon Voltaire, avait en matière de tolérance de très mauvais
antécédents, puisqu'elle commémore chaque année, depuis deux
siècles, le massacre de 4000 hérétiques.
L'exemple
est cependant curieux : une famille protestante est dénoncée,
jugée, exterminée, parce que la rumeur publique l'accuse d'avoir
assassiné leur fils par intolérance religieuse. La tolérance au
sein de cette famille est pour la population et les édiles de
Toulouse quelque chose d'inimaginable. Le paradoxe est que la
justice, influencée par la rumeur sanctionne un crime d’intolérance,
simplement parce qu'elle ne peut pas concevoir la tolérance.
L'exemple qui, comme le souligne le titre, est l'occasion pour
Voltaire d'écrire sur la tolérance, est un peu tiré par les
cheveux. Il n'en met pas moins les religions au centre du débat. En
Languedoc les catholiques contre les huguenots « On dirait
qu'on a fait vœux de haïr ses frères, car nous avons assez de
religion pour haïr ses frères et pas assez pour aimer et
secourir. »
Voilà
posés les termes du débat. Après avoir relaté les massacres
perpétrés durant plusieurs siècles, dans toutes l’Europe, autant
par les catholiques que les protestants, et ne nous avoir épargné
aucune description de châtiments, Voltaire constate que de son temps
« la raison a fait tant de progrès » parce
que « le gouvernement s'est fortifié partout, tandis que
les mœurs se sont adoucies »
mais surtout « La
philosophie, la seule philosophie, cette sœur de la religion, a
désarmé des mains que la superstition
avait si longtemps ensanglantées. Et l'esprit humain au réveil
de son ivresse s'est étonné des excès ou
l'avait emporté le fanatisme»
La pensée donc, la force de la pensée sage, contre l'intolérance
des croyances.
« Sortons
de notre petite sphère et examinons le reste de notre globe»
De Constantinople à l'Inde, à la chine, au Japon Voltaire ne voit
que coexistante
pacifique de religions, tolérance et tranquillité.
Et si l’empereur
de chine chasse les jésuites « ce
n’était
pas parce qu'il était intolérant, c'est parce que les jésuites
l'étaient. »
Nous
voilà au chapitre V « Comment
la tolérance peut-être admise »
curieuse question vue depuis notre siècle,
mais quelles réponses pour nous inspirer ? « Le
grand moyen de diminuer le nombre des maniaques, s'il en reste, est
d'abandonner cette maladie de l'esprit au régime de la raison, qui
éclaire lentement, mais infailliblement, les hommes. Cette raison
est douce, elle est humaine, elle inspire l'indulgence, elle étouffe
la discorde, elle affermit la vertu, elle rend aimable l'obéissance
aux lois, plus encore que la force ne les maintient. »
« il
faut toujours partir du point ou l'on est, et de celui ou les nations
sont parvenues. »
Voltaire va jusqu'à s'interroger sur un droit à l'intolérance.
L'actualité confirme la pertinence de la question. La Une bien
modérée et bien consensuelle du numéro de Charlie hebdo, ayant
suivi le massacre provoque un tollé dans de nombreux pays musulman
qui crient au blasphème. Ces manifestations monstres, ces
destruction d'églises et de commerces appartenant à des
catholiques, ces appels à la vengeance et au meurtre, au Niger, en
Tchétchénie, au Sénégal et ailleurs, sont soit Encouragées et
même organisées par les gouvernements, soit complaisamment
tolérées. L'esprit de Voltaire, celui de la raison est bien loin
d'avoir éclairé une bonne partie de l'humanité. Même en France,
une partie de la communauté musulmane se trouve déchirée, par la
tentation de l'intolérance. Des jeunes à l'école se désolidarisent
des manifestations d'hommage aux victimes. Les communautés sont sous
la pression des dogmatiques qui veulent imposer aux femmes une
manière de se vêtir qui les infériorisent. Ces réactions pseudo
identitaires sont d'autant plus fortes que les musulmans sentent la
montée du rejet et de l'islamophobie attisés par d'irresponsables
idéologues et des parties politiques en lutte pour le pouvoir.
Le droit à l'intolérance n'est pas, loin s'en faut, une vue de
l'esprit, c'est une gangrène qui gagne du terrain. Merci à Voltaire
de venir à notre rescousse. « Le droit à l'intolérance
est donc absurde et barbare : c'est le droit des tigres, et il
est bien horrible, car les tigres ne déchirent que pour manger, et
nous nous sommes exterminées pour des paragraphes. »
Des paragraphes ? Que veut-il dire ? Et bien que
l''intolérance trouve sa source dans les idées, les représentation
plus que dans l'être. Petit détour par l'antiquité gréco-latine.
Socrate d'abord tué pour ses idées. « l'exemple de Socrate
est au fond le plus terrible argument qu'on puisse alléguer contre
l'intolérance. » Mis à part cet exemple fondateur,
Voltaire considère que Athènes et Rome ont été des exemples de
tolérance, simplement parce que les pratiques religieuses multiples,
relevaient du chacun chez soit. « Y a-t-il un plus grand
exemple que la tolérance était regardée par les romains comme la
loi la plus sacrée du droit des gens. »
Je ne suis pas assez au fait de l'histoire pour Faire mienne
l'affirmation de Voltaire « Qu'il est impossible d'attribuer
à l’intolérance le désastre arrivé
sous Néron à quelques malheureux demi-juifs et demi-chrétiens »
« il y eu par la suite des martyrs chrétiens. Il est bien
difficile de savoir précisément pour quelles raisons ces martyrs
furent condamnés, mais j'ose croire qu’aucun ne
le fut,...pour sa seule religion. »
Voltaire consacre un long double chapitre au judaïsme. Mais
attention dans le premier sous chapitre il est question de leur
intolérance: obligations et interdits alimentaires, rituels,
cérémonies, toutes pratiques, considérée de droit divin, font le
terreau de l'intolérance. Dans le second de leur tolérance « en
un mot si l'on veut examiner de près le judaïsme, on
sera étonné d'y trouver la plus grande tolérance au milieu des
horreurs les plus barbares. C'est une contradiction il est vrai ;
presque tous les peuples se sont gouvernés par des contradictions.
Heureuse celle qui amène des mœurs douces quand on a des lois de
sang ! »
Voilà qui laisse dubitatif, mais n'est on pas au cœur de la
problématique. La tolérance n'est elle pas une forme de
dépassement ? Faire coexister dans la paix et la fraternité
des hommes aux croyances différentes. Effacer les croyance de la
sphère publique et les cantonner à la sphère privée. C'est là
toute la problématique de la laïcité. La laïcité n'est-t-elle
pas l'avancée sociale la plus déterminante vers la tolérance ?
Voilà encore un domaine ou la France est exemplaire. Peut-on
envisager la notion même de tolérance dans des pays ou une religion
est d’État.
La France dispose de tous les éclairages et, avec la laïcité, d'un
outil sans pareil de mise en œuvre de de la tolérance. Pourquoi
certains ne l'ont-ils toujours pas compris et s'acharnent à
rechercher une illusoire identité nationale autour de traditions
chrétiennes. Qu'en penses tu Voltaire ? Quelle régression !
Entre interrogations de l'histoire, de la chine à la vie et la
parole de Jésus en passant par le judaïsme, citations des
évangiles, témoignages de théologiens, paraboles ( Dialogue entre
un mourant et un homme qui se porte bien, lettre écrite au Jésuite
Tellier…, relation d'une dispute de controverse à la chine)
Voltaire tourne autour des notions de tolérance et d’intolérance,
pèse le pour et le contre, s'interroge sur une légitimité possible
de gouvernement mus par l'intolérance. Il philosophe sur vertu et
science et ouvre le chapitre sur une affirmation « Moins de
dogme, moins de disputes ; et moins de disputes, moins de
malheurs : si cela n'est pas vrai, j'ai tort. » tout
est dit dans le langage le plus simple et le plus accessible !
Pour être heureux ici et dans l'au-delà, seulement deux qualités
sont requises : être juste et être indulgent.
Voltaire écrivait à une époque ou les querelles de dogmes et le
long cortège de massacres qu'ils suscitèrent en France et en Europe
occupaient le débat. C'est à la lumière de l'histoire chaotique
d'une croyance en un même Dieu séparée en plusieurs dogmes que
Voltaire a forgé sa philosophie de la tolérance. Son propos se veut
cependant universel « Il ne faut pas un grand art, une
éloquence bien recherchée, pour prouver que les chrétiens doivent
se tolérer les uns les autres. Je vais plus loin : je vous dis
qu'il faut regarder tous les hommes comme nos frères. Quoi !
Mon frère le turc ? Mon frère le Chinois ? Le Juif ?
Le Siamois ? Oui, sans doute ; ne sommes nous pas tous les
enfants d'un même père, et créatures du même Dieu ? »
Je suis tenté par d'autres citations, Voltaire est si simple et si
clairvoyant ! L'homme n'est qu'une fourmis parmi neuf cent
million sur terre, sa prétention à être supérieur à d'autres et
à ce titre les supprimer est bien dérisoire ! Tuer pour des
formules, comme c'est dérisoire et pourtant
les islamistes radicaux de tout poils appuient leur folie meurtrière
sur quelques écrits dogmatiques, bien éloignés des préceptes de
la religion au nom de laquelle ils massacrent. Voir l’intéressant
article de médiapart
: Plongée dans les lectures
des djihadistes des attentats de Paris.
http://www.mediapart.fr/journal/international/170115/plongee-dans-les-lectures-des-djihadistes-des-attentats-de-paris
Je note que le mot Islam n'est pas
une seule fois prononcé par Voltaire, a croire que les Chrétiens
avaient alors suffisamment à faire en se massacrant entre eux pour
s'occuper des musulmans.
Voltaire boucle son livre en
revenant à l'affaire Calas, son traité ayant été écrit pour
influer sur les juges du Conseil d’État à Paris. « Je
sème un grain qui pourra un jour produire une moisson...répandre
partout sa lumière. » L'arrêt
de Toulouse
fût cassé au bout de plus de deux
ans de procédure.
Les Français relisent Voltaire,
c'est une excellente chose. Peut-être cela mettra-t-il un terme à
quelques égarements d'intellectuels et d'hommes politiques en
France. Je doute que Voltaire, même traduit en arabe, entre un jour
dans les lectures de djihadistes. Tous, non musulmans, musulmans
modérés du monde entier. (Je regrette de devoir écrire
« modérés », cela devrait aller de soit, mais il faut
bien faire la distinction avec les fanatiques.) sommes, et pour
longtemps victimes de l’intolérance. C'est
une guerre disent nos gouvernants, une vrai avec des tactiques des
armes et des militaires, c'est aussi une guerre des idées car la
victoire ne peut venir que de la victoire de la tolérance. Comment ?
Quand ? Jamais ? La réponse dépend de notre confiance en
l'humain.
En tout cas merci Voltaire.